La ferme familiale de La Hailleule à Chiny élève entre 400 et 450 blondes d’Aquitaine selon les principes de l’agriculture biologique. Début mars 2024, les exploitants ont été confrontés aux problèmes respiratoires causés par le virus respiratoire syncytial (RS). Ils ont directement pris les choses en main lors du début de l’épidémie et ont décidé de vacciner les animaux à risque.
“Le résultat a été immédiat et à couper au couteau. Grâce au vaccin, nous n’avons perdu aucune bête” nous a confié l’éleveur, M. Roussel. Lors de notre reportage, nous avons aussi eu l’occasion de discuter avec Bruno Boxus du cabinet vétérinaire VetGaume qui a pris en main cette problématique.

Un début d’épidémie virale au printemps
Tout d’abord, nous avons voulu savoir ce que sous-entendait le vétérinaire Bruno Boxus en parlant d’une épidémie : “Une épidémie est une transmission assez rapide d’un syndrome entre certaines catégories d’animaux. Selon moi, il faut plus de 20 % des animaux touchés pour parler d’une réelle épidémie. Dès les débuts d’une maladie qui est épidémique, il y a déjà 10 % des animaux qui ont des symptômes quand j’arrive sur l’exploitation. Dans le cas du RS, il y a donc un animal sur dix qui tousse, a de la fièvre, de l’abattement, des écoulements nasaux et une respiration plus rapide (polypnée). Pour certaines autres maladies, cela est parfois beaucoup plus isolé”.
La transmission des maladies dans une étable dépend de l’agent pathogène. Par exemple, « le virus respiratoire syncytial (RS) se propage très rapidement et est, selon moi responsable de 30 % des épidémies en Belgique chaque année. Les symptômes des animaux atteints par le RS sont très typiques : les veaux qui ont entre 4 et 10 mois respirent très vite et avec difficultés, présentent de la toux, une température élevée, des écoulements transparents au niveau des yeux et des nasaux. À l’auscultation, un emphysème peut être détecté, indiquant de l’air emprisonné dans les poumons. »
Dans le cas de l’exploitation de La Hailleule, la détermination de la cause des symptômes s’est faite cliniquement. En général, plusieurs méthodes de prélèvement peuvent être utilisées pour confirmer la présence du virus : écouvillons nasaux profonds, lavages broncho-alvéolaires, voire même des analyses de tissus pulmonaires après autopsie en cas de mortalité. Ces échantillons peuvent ensuite être analysés à l’ARSIA entre autres grâce à l’analyse PCR qui permet la détection de virus, dont le virus respiratoire syncitial. Des prises de sang peuvent également être effectuées pour des sérologies, mais les anticorps ne sont détectables que trois à quatre semaines après l’infection.
Cependant, ces méthodes diagnostiques demandent plusieurs jours à semaines pour fournir des résultats. Il est donc crucial de se baser sur les symptômes cliniques et de réagir rapidement pour limiter la propagation du virus dans l’étable. « Les symptômes cliniques sont très bien connus par les vétérinaires. On prélève tout de même souvent pendant l’épidémie pour confirmer à postériori la cause certaine des symptômes observés. Il n’y a, à l’heure actuelle, malheureusement pas encore de test rapide disponible pour le RS » nous a confié le vétérinaire.
Une vaccination en urgence qui a permis d’éviter la perte d’animaux
Il y a souvent deux moments dans l’année où des pics de RS sont rencontrés : en automne, quand il fait plus froid et plus humide, et puis au mois de mars avec le dégel. “Il s’agit souvent de vagues de deux à trois semaines. Quand un foyer dû à cette maladie virale apparaît, il est important de vacciner rapidement tous les animaux à risque, donc surtout les veaux. Parfois, vacciner tous les animaux de l’étable est aussi nécessaire. Un effet protecteur contre les infections virales apparaît dans les heures qui suivent l’administration. On observe alors une accalmie et un contrôle de l’épidémie dans les 24 à 48 heures. Cette vaccination d’urgence, permet d’activer l’immunité cellulaire et de protéger les animaux grâce à l’action de l’interféron gamma qui protège les cellules d’une invasion virale et limite la propagation du virus au sein de l’animal et entre animaux du troupeau. Si on vaccine dès le début, on gagne une dizaine de jours sur l’épidémie”.
Cette situation a été rencontrée il y a deux ans à la ferme de La Hailleule et tous les animaux ont été vaccinés en urgence, ce qui a permis de lutter efficacement contre la problématique. “La vaccination permet d’atténuer les effets du virus, les symptômes diminuent et on a une vaguelette au lieu d’avoir un tsunami dans l’élevage… Cela prend cinq jours au lieu de quinze. L’action du vaccin stimule la production des interférons gamma et donc l’excrétion virale est diminuée directement. La transmission est réduite, la propagation du virus dans les voies respiratoires est aussi fortement freinée”. Selon les éleveurs, si aucune vaccination n’avait été entreprise, ils auraient perdu des animaux et eu plus de frais.
La vaccination préventive
La période la plus à risque est l’hiver : regroupements, effets de concentration des animaux, courants d’air et humidité représentent un peu un cocktail dangereux. Quand il y a eu une épidémie une année dans une ferme, cela a tendance à revenir. “Il est donc aussi important de vacciner de manière préventive. Une vaccination au moins trois semaines avant les périodes à risque est alors fortement préconisée. Ce délai permet à l’injection intra-musculaire d’avoir le temps de bien faire son effet” nous a expliqué Bruno Boxus. Les éleveurs de Chiny vont donc vacciner préventivement leur troupeau en ce début d’hiver en même temps que la tonte du bétail. Ils ont décidé de faire d’une pierre deux coups pour permettre un gain de temps et éviter de devoir manipuler les animaux excessivement.
Un vaccin vivant contre le virus respiratoire syncytial bovin
Ce vaccin peut être administré par deux voies : en intra-nasal et en intra-musculaire. “Son utilisation en intra-nasal est conseillée dans les premières semaines de la vie du veau. Il agit alors pendant une durée de deux mois. Il peut aussi être appliqué en intra-musculaire sur des veaux plus âgés. Par cette dernière voie, il nécessite un délai d’action de trois semaines pour obtenir la production d’anticorps. Mais, en cas d’épidémie, un effet protecteur anti-viral s’installe en quelques heures et permet de protéger les animaux durant quelques jours. C’est un gros avantage… Par exemple, il est très difficile de faire un vaccin en intra-nasal à des veaux de blondes d’Aquitaine de 8 mois. L’administration par voie intra-musculaire facilite l’administration et réduit aussi le stress des animaux lors de la vaccination. Cela permet également un gain de temps. Comme il s’agit d’un vaccin vivant, l’effet se met en place avec les deux modes d’administration. C’est le gros avantage de ce vaccin”.
De plus, les protocoles d’application sont assez souples : “Deux doses à un mois d’intervalle permettent d’avoir une immunité de six mois après la deuxième dose. Chez les veaux, on peut le faire en intra-nasal à 9 jours de vie et l’immunité locale est en place après 5 jours et dure dans ce cas deux mois. Une fois que les veaux ont deux mois, on peut réaliser une seconde injection par voie intramusculaire pour ainsi prolonger la protection de six mois”.
Aménagements des étables pour réduire les risques de pathologies
La famille de M. Roussel a fait le choix d’adapter ses bâtiments et ses pratiques pour permettre un meilleur confort des animaux et une réduction des risques d’apparition des maladies. Des aménagements ont par exemple été réalisés pour permettre une meilleure ventilation. Pour diminuer les problèmes d’humidité, les toits des étables ont été isolés. Cela a aussi une importance en été pour éviter une chaleur excessive dans les bâtiments. Après leur naissance, les veaux restent avec leur mère et sont allaités naturellement. Cela est notamment plus instinctif et la prise de colostrum est plus rapide. Dans cette configuration, les veaux peuvent aussi boire plus souvent des petites quantités. Quand ils grandissent, plusieurs mères sont logées ensemble avec leurs veaux respectifs. Un espace libre d’accès est réservé aux veaux et cela leur permet de se nourrir et de se reposer. Toutes ces installations ont pour objectif de procurer plus de bien-être aux animaux de l’exploitation et donc, d’une certaine manière, de limiter les risques d’apparition des problèmes sanitaires.
Texte et illustrations : Antoine Van Houtte

