Nous avons découvert la récolteuse de chanvre Hyler Sativa FL20 lors d’une démonstration organisée par Valbiom, le centre de référence de l’économie biosourcée en Wallonie, au mois d’août 2025. Cette machine, appartenant à Vereecken Farms, est utilisée pour récolter des fibres longues. Lors de cette visite de terrain, nous en avons également appris plus sur le chanvre textile qui s’avère être une culture ayant de multiples débouchés et ne nécessitant aucun produit phytosanitaire.
Le chanvre (Cannabis sativa L.) présente l’avantage d’appartenir à une famille qui n’est pas encore présente dans les rotation belge, à savoir les Cannabaceae. Les espèces de chanvre cultivées sont sélectionnées pour leur faible teneur en THC (delta-9-tétrahydrocannabinol), inférieure à 0,3 %. Il s’agit d’une plante dicotylédone rustique à croissance rapide. Les parcelles idéales sont légères, profondes, fertiles et ont une bonne capacité de rétention d’eau. Le pH optimal doit être compris entre 5 et 7. Son système racinaire pivotant peut offrir une bonne structure de sol. Selon Valbiom, cette nouvelle culture est capable de stocker jusqu’à 15 T de CO2/ha/an. En ce qui concerne la fertilisation, une analyse de sol est recommandée. En moyenne, il faut ajouter en moyenne 80 Kg N/ha, 70 Kg de P2O5/ha et 200 Kg de K2O/ha.
Une culture zéro phyto
Le chanvre a tendance à limiter naturellement le développement des adventices grâce à un effet d’étouffement. De plus, cette plante est peu sensible aux bioagresseurs. L’itinéraire phytotechnique du chanvre ne nécessite donc aucune application de produit phytosanitaire. Cette culture peut donc très bien intégrer les rotations des exploitations biologiques.
Le semis, l’étape la plus délicate
Le semis se réalise début mai, quand la température du sol est supérieure à 12°c. Le chanvre est une plante gélive, il est donc important de ne pas semer tant que des risques de gel sont présents. Le matériel utilisé est un semoir à céréales classique. Les graines doivent être disposées à une profondeur comprise entre 2 et 3 cm (selon l’humidité du sol) avec une densité de semis de 500 semences/m², ou ± 80 kg/ha.
Le chanvre est sensible aux problèmes de tassements de sol. Il est donc important d’éviter les précédents à risques, comme les pommes de terre, betteraves, maïs ou encore la chicorée. Pour pallier les défauts de structure, on recommande un labour d’hiver. On pratique moins souvent les semis directs. Ils ne peuvent être envisagés que si la structure du sol est bonne.
En réalité, c’est l’étape du semis qui est la plus délicate. En effet, les graines ont un faible PMG (la masse moyenne de 1 000 grains est comprise entre 15 et 20 g). Elles nécessitent une bonne préparation du lit de semences et de l’humidité pour pouvoir germer. Le pourcentage de levées est d’en moyenne 60 %, bien que les semences aient un pouvoir germinatif d’au moins 75 %. Cette différence s’explique par une teneur en humidité variable du sol, les pertes liées au froid et les dégâts provoqués par les oiseaux et les limaces.
Plusieurs débouchés
On peut utiliser le chanvre de différentes façons. À la fois les graines et les tiges peuvent être valorisées. Parmi les filières identifiées en Wallonie, il y a notamment la filière liée au chènevis (graines de chanvre), aux fibres, ou encore à l’usage médicinal.
Chanvre textile fibre longue
Le chanvre textile fibre longue est une culture à haute valeur ajoutée qui présente des similarités avec le lin. Le chanvre textile fibre longue est récolté avant sa maturité. L’optimum est d’avoir entre 250 et 300 tiges/m² au moment de la coupe. La plante doit être récoltée durant sa pleine floraison, vers la fin du mois de juillet-début août. Cette opération est effectuée avec une machine spécifique, comme la Hyler Sativa, qui permet de créer des nappes de 90 cm où les tiges sont toutes placées perpendiculairement au sens de récolte.
Le rouissage (exposition à la chaleur et à l’humidité des andains au sol) des tiges doit ensuite se faire pendant 1 à 1,5 mois avant le pressage. La récolte doit se faire avant le 15 août. Après cette date, des fibres secondaires de moindre qualité se développent. Celles-ci nuisent à la qualité de la récolte. Pour extraire les fibres, il faut ensuite passer par l’étape du teillage. Selon Valbiom, “la filière du teillage des fibres longues doit encore se structurer. Les teilleurs de lin restent encore assez fermés à l’idée du chanvre. Cette culture est plus complexe, et le teillage demande plus de temps si les machines ne sont pas adaptées.”
Pour ce débouché, des densités de semis importantes permettent d’induire des tiges plus courtes et fines, ce qui accentue la finesse des fibres et évite le développement de fibres secondaires lignifiées. Des tests sont actuellement menés pour déterminer si l’utilisation de variétés tardives peut permettre d’optimiser la finesse des fibres textiles.
Chanvre fibres courtes
Cette filière fournit des fibres de qualité variables. Avec ce débouché, la paille est défibrée et est ensuite utilisée dans le secteur de la construction ou le textile. La chènevotte (partie ligneuse qui subsiste après qu’on a enlevé la filasse) est, quant à elle, valorisée dans le béton de chanvre, le paillage horticole ou encore la litière.
Pour cette finalité, la culture est récoltée avec une faucheuse traditionnelle, une barre de coupe à lamiers ou un bec de type ‘Kemper’ modifié. Les tiges entremêlées au sol seront fanées. Les pailles sont enfin pressées en balles rondes ou carrées.
Chanvre graines
Pour cette destination, la culture est récoltée à maturité et est battue. Ce sont alors les graines (chènevis) qui sont valorisées. Les graines sont riches en protéines et on les présente souvent sous forme d’huile dans les cosmétiques. Le chènevis contient des acides gras polyinsaturés avec un bon ratio oméga-3/oméga-6, des acides aminés essentiels, des vitamines et des minéraux. Ainsi, une graine entière contient jusqu’à 30 % de protéines, 40 % de fibres et 30 % de lipides. Les coproduits de cette culture sont les pailles. Elles sont fanées et pressées en balles rondes ou carrées. Enfin, on utilise la chènevotte comme isolant, en fibres textiles, ou on l’inclut dans certains produits biosourcés comme le papier.
La culture est souvent récoltée fin septembre avec une moissonneuse-batteuse équipée d’une barre de coupe classique, d’un bec de type ‘Kemper’ ou d’une barre de coupe à deux niveaux. Un système de récolte a notamment été développé par HempFlax. Celui-ci utilise une barre de coupe en hauteur combinée avec un bec Kemper situé proche du sol pour faucher les pailles.
Usage médicinal
Enfin, il est aussi possible de récolter le chanvre avant maturité dans l’optique d’extraire du cannabidiol ou CBD des inflorescences de la plante. La composition en phytocannabinoïdes confère aussi à cette plante un intérêt médicinal et thérapeutique.
Hyler Sativa FL20
Hyler est une entreprise belge qui a développé une récolteuse spécifique au chanvre textile fibre longue. Ainsi, la Sativa FL20 est la première récolteuse de chanvre à l’échelle industrielle au monde pour les textiles en fibres longues. La machine est motorisée par un Volvo Penta TAD883VE 6 cylindres en ligne de 7,7 litres développant 320 ch. Un rabatteur permet de guider le chanvre dans la tête de récolte FL20. Un ventilateur permet de nettoyer continuellement le collecteur. La récolteuse s’adapte automatiquement à la hauteur de la plante jusqu’à 3,2 m pendant la récolte.
La Hyler récolte la tête de la plante sur une rangée, puis le pied de la plante sur une deuxième rangée, ce qui est très important pour diviser les différentes classes de fibres. Ainsi, il faut différencier les balles contenant les têtes de chanvre, car elles présentent une qualité moindre. L’idéal est donc d’avoir une hauteur de culture de 2,5 m, ce qui permet d’obtenir deux nappes de fibres de bonne qualité et de laisser les têtes sur la parcelle.
L’importance d’avoir un débouché
Enfin, Valbiom insiste sur le fait qu’il est nécessaire d’avoir un débouché prédéfini avant de se lancer dans cette nouvelle culture. En conclusion, il reste important de sécuriser les débouchés avant même de se lancer dans la culture.
Texte et illustrations : Antoine Van Houtte
